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NOTES 179

route évanouie, de nous remettre au principe de cette capri- cieuse erreur dont les péripéties au fond de notre mémoire faiblement travaillent à se rejoindre.

��Non pas des attitudes, ce sont des mouvements que Fokine invente. Car, si vous vous trompez, si Rodin se trompe, lui ne se trompe pas. Il sait que la danse est l'art du mouvement, que le danseur n'a pas à s'inquiéter de plaire au peintre par ses attitudes, et qu'il faut qu'il se garde libre en ne cessant pas de tourner.

Pour comprendre quel grand artiste est Fokine, il faut l'avoir vu travailler, et, pendant de longues heures, de la salle, modeler, sur la scène, avec les mouvements que lui prêtent ses danseurs, son œuvre. La modestie et la compétence de cet homme, comment ne pas s'en sentir ému ? Nous n'avons aucun droit sur lui, parce qu'il a une forme d'imagination qui nous est absolument inconnue. Nous sommes à côté de lui ; mais nous ne voyons pas ce qu'il voit. Quelque chose, là, tout près de nous, se passe dans son esprit, de quoi nous n'avons aucune idée.

Tandis qu'il s'appuie, distrait et fidèle, sur cette musique que, nous aussi, nous entendons, il voit des mouvements. D sourit ; son visage paraît plus jeune. Et ses pensées entrent en lui, soudaines comme des bacchantes. Il y en a qui tout à coup, très vite, la tête baissée, se tenant par la main, passent tout près, sur le devant de son imagination. D'autres se couvrent le visage de leur coude avancé, comme pour cacher un rire et viennent du fond en se balançant, avec de douces glissades perfides. Toute une file traverse la scène à grandes enjambées vers la droite ; et par derrière, une autre fuit vers la gauche et semble remettre en place, un à un, à mesure qu'elle la croise, tous les gestes de la première. Enfin, comme derrière un voile

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