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RÉFLEXIONS SUR LE ROMAN 23 1

une intrigue, l'art de composer un caractère, l'art de composer un état.

L'art de composer une intrigue est, évidemment, un art, mais c'est, plus évidemment encore, un art inférieur. Ivanhoé^ Une Ténébreuse Affaire^ beau- coup de romans de M. Bourget, sont de ce point de vue bien composés, tandis que les Trois Mous- quetaires, La Femme de Trente Ans, Anna Karénine sont, de ce même point de vue, mal composés. Mais un lecteur cultivé ne prend beaucoup au sérieux ni ce mérite ni ce grief. Dans Eugénie Grandet OM dans Le Curé de Tours, nous sentons que la qualité du chef-d'œuvre vient en partie de ce qu'il y a peu d'intrigue, de ce que le miel est sans cire, d'une sincérité et d'une transparence supé- rieures.

La composition de l'intrigue ne prend une valeur d'art que lorsqu'elle est un moyen dans la com- position d'un caractère ou de caractères. Aristote loue Homère d'avoir choisi, pour composer V Iliade et Y Odyssée, les épisodes de l'histoire d'Achille et d'Ulysse qui mettent le mieux en valeur leur caractère. Et j'y verrais une part essentielle dans l'art du roman si je ne réfléchissais à ceci que la beauté d'un roman non seulement peut exister avec une intrigue et des caractères à peu près nuls, mais encore peut être fondée précisément sur la nullité de cette intrigue et de ces caractères. C'est la découverte du réalisme et la formule de Madame

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