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LES DIEUX ONT SOIF 627

finement raillés appartenant moins à un individu qu'à l'homme en général. Ce qui intéresse Anatole France, ce sont presque toujours les conflits de l'intelligence. Que le bon sens entre en contestation avec l'amour, la jalousie, la tradition, la manie, la foi, l'un des deux éléments du problème appartient en commun à tous les hommes qui pensent ; si bien que les contradictions que relève nar- quoisement l'auteur de Thaïs sont d'une nature presque aussi générale que celles que peut tenter de résoudre un Pascal. Rien, du même coup, qui soit plus contraire à l'intuition individualisée et presque charnelle d'un roman- cier et d'un peintre de figures fortement particulières.

Moins érudit, moins enjoué, moins artiste, moins heu- reux, mais plus porté au repliement sur soi-même, peut- être Anatole France fût-il devenu moraliste abstrait. Doué de peu d'imagination pour créer des points de départ à ses déductions, il était tout naturel qu'il les cherchât dans l'histoire. Ce fut d'abord avec une irrévérence bienveil- lante qu'il choisit, dans les vies des saints ou dans de vieilles chroniques, des épisodes singuliers, pittoresques ou touchants. Puis vint la maturité avec ce qu'elle comporte de réflexion et d'attachement à quelques sujets préférés ; et la même tendresse minutieuse qui avait porté l'auteur de y Etui de Nacre vers Saint Pacôme ou Sainte Onoflette, le fit, devenu plus grave, s'incliner longuement sur V Histoire de "Jeanne d^ Arc.

Je ne voudrais pas, en l'apparentant à des contes quel- quefois légers, paraître vouloir déprécier un ouvrage aussi probe, aussi scrupuleux et, à sa manière, aussi pieux. Mais il est de même famille intellectuelle que ces souriantes hagiographies. Soutenu par une science informée et dis-

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