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Quand les mœurs ne sont pas bonnes, on niaise en morale. On se fait une promesse et un jeu de la vertu qu’on n’a pas. C’est le piment de la candeur, vraie ou fausse. Plus d’un vieillard joue à la poupée. La sensibilité est une excuse et une espérance. Enfin, sortant des villes, on ne découvre pas la nature sans une illusion immense de vertu. Tout ce qui est naturel est bon, à ce qu’il semble. Il faut un peu de temps pour savoir que la nature est également tout le bien et tout le mal. Les truffes ne sont pas plus malsaines que, pendu aux solives, le lard du rustre, parfois plein de vers, entre chair et couenne. De la même manière, l’excès de politesse conduit à l’ironie et à l’élégance sèche. On se met alors au régime des larmes. On arrose les jardins arides du bel esprit. Les pleurs et la vertu se répandent ensemble. On ne connaît point les grandes larmes, qui viennent de la source profonde : on les fuirait plutôt ; mais on se rafraîchit à cette pluie d’habitude, que les bonnes gens, en leur faiblesse, laissent couler pour se défendre des moqueurs et des méchants. Les reines se déguisent en pastourelles : c’est un luxe de plus, le velours et la soie le cédant aux dentelles. On prend la houlette, et on la pare de rubans. Dans les jardins du palais, on promène des moutons