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CHRONIQUE DE CAERDAL 683

Beethoven ne dit pas l'angoisse ni l'immense douleur de vivre, comme Bach et Wagner : il exprime l'énorme douleur de sa propre vie, au milieu de la joie de vivre. Et il n'appelle pas le Sauveur, ni la rédemption mystique : il repousse le destin qui le sépare de son bonheur ; il le prend à la gorge, comme il lui plaît à dire ; il lutte avec fureur contre lui ; et il conquiert sa victoire. Il convoque tous les hommes au même combat ; il se met à leur tête ; il leur montre, au terme de la guerre, les sommets communs de l'espoir. Et passionné, enthousiaste comme un vent de feu, il jure de les mener, tous frères, au même triomphe. 11 ne cherche pas le paradis dans le ciel, ni dans les voies du mystère: il se l'arrache de la poitrine; il étrangle le mal qui lui barre la route, et qui le divise d'avec le for intérieur. Et telle est la qualité incorruptible de son courage : il ne doute pas de la victoire. Mais c'est aussi par où elle me touche moins, et où l'on voit que la puissance n'est pas toujours la profondeur : Beethoven sait toujours qu'il doit vaincre, et qu'il doit toujours vaincre. Non, il ne faut pas être trop sûr de son salut. Beethoven a trop de certitude : là est sa force avec son manque, sa simplicité et sa magnifique erreur.

Dans la vallée, je connais une plus longue attente. Et tous ceux qui dorment au lit de Josaphat, quelles paupières pesantes, lourdes

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