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690 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'art, où ils soient plus esclaves de la sensation commune, que la musique.

S'ils disaient : " J'aime ", ou : "Je n'aime pas", on ne pourrait pas leur répondre. Ils se perdent par les raisons qu'ils donnent ; car elles ne con- cernent pas la musique, le plus souvent. Grossière ou érudite, leur sensation est un peu musicale ; et leur jugement, point du tout. Par malheur, ils ne sentent, en général, la musique, même s'ils l'ai- ment, qu'à l'occasion du sourd jugement qu'ils en portent. Et s'ils ne jugeaient pas la musique, d'un esprit littéraire ou moral, ils nen auraient pas le sentiment. Le nombre est bien petit de ceux qui sentent en toute vérité : plus petit encore que le nombre de ceux qui savent et qui comprennent.

Voilà qui me gâte parfois Beethoven, et depuis peu Wagner. 11 n'est pas de musicien qui se prête mieux à la confusion morale, que le grand maître de toutes confessions ; et si elle se justifie, c'est en lui. La plupart des sottises qu'on débite sur la musique sortent d'une admiration désormais rituelle pour Beethoven. Une foule de gens vont en Beethoven, comme on va à la messe, croyant sans croire : on suit sa religion. D'ailleurs, ils n'entendent rien aux dernières œuvres ; mais ils s'en font une idée pieuse, qui les flatte. Ils s'hono- rent de prendre part à ce culte. Ils se vantent de l'initiation. Y ont-ils du plaisir, au moins ? Las, j'en doute. Tout leur est bon. Ils mêlent tout, les

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