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864 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

des riches, tes caprices refusaient. Nathalie, quand nous nous rencontrâmes, le monde retentissait du bruit de mes dissipations, un chacun te citait comme la plus froide, la plus avide courtisane. Mais au baiser de nos bouches, la fange où nous végétions, soulevée par le flot d'un impé- tueux amour, rejaillit loin de nous, et notre passion nous révéla l'un à l'autre. Trois ans nous nous y vouâmes, ali- mentant de nous-mêmes le feu qui nous consumait. E^ le manteau de notre amour traîna sa pourpre sur le siècle.

Tous les cieux ont connu nos délires, notre volupté a gémi partout où la nature se fait belle à souhait pour accueillir l'exaltation des amants. Sur les neiges des climats glacés, nous avons promené l'ombre tiède de notre tendresse que menaçaient en vain la froidure et l'engourdissement. Et, sous l'ardent soleil des horizons italiens, sur le lointain des collines moins harmonieuses que lui, j'ai, de ton corps, adoré la nudité. Nathalie, Nathalie, sur notre passage, les gamins de la rue criaient : " c'est eux " ; et " c'est eux ", murmuraient les mondains, les glorieux, quand nous paraissions aux spectacles recherchés qui nous sollicitaient. Eux ! les Amants ! les héros du plus mémorable amour ! Nous avons été ces personnages légendaires qu'un poète a chantés, au roman desquels une génération s'est attachée... Mais nul ne put connaître le divin dialogue qui flambait sur nos bouches quand, morts au monde, nous nous ense- velissions dans nos caresses comme dans une tunique ardente.

Nathalie, par cette nuit affreuse, pendant que la pluie crépite aux fenêtres de la demeure où je me lamente, Nathalie, dans cette nuit de décembre, que fais-tu ? Quand notre amour, par le temps affaibli, parvint à ses derniers instants, il nous sembla qu'avec lui s'éteignait un enfant

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