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94^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ment. Nul n'a foré d'une telle pointe certaines constructions d'idées. Nul d'une action plus subtile n'a disjoint et disloqué certains édifices théoriques. Je ne connais pas de critique plus acérée et plus décisive que celle qu'il a faite soit du scien- tisme, de la prétention de réduire le monde à un vaste réseau d'équations différentielles, soit de la cristallisation de l'intelligence dans les " catégories héritées ". Ce faisant, il a adressé un appel à nos facultés d'invention, de création, et, en même temps, dissipant les " clartés apprises " il a, selon la remarquable formule inscrite par M. Benda lui-même dans le Dialogue d^Eleuthère " suscité la grandeur de l'obscurité retrouvée ". Il nous a induit à reprendre contact avec les choses. Et c'est parce qu'il galvanise nos facultés de perception que son œuvre nous donne si souvent cette impression de nouveauté et de fraîcheur, de vue non livresque et directe du réel, d'épaisseur concrète et de fluidité vive, ce sentiment de renouvellement et de rajeunissement et aussi de reconnaissance, dont parlent William James et Edouard Le Roy. " Ouvrez Bergson, dit quelque part William James, et de nouveaux horizons s'estompent à chaque page. Il semble qu'on y respire la brise du matin et qu'on y entende le chant des oiseaux. C'est de la réalité elle-même qu'on nous parle ici, au lieu de ne faire que nous ressasser les choses écrites par des professeurs d'une intelligence toute poudreuse sur ce que d'autres professeurs ont pensé avant eux. " Et M. Edouard Le Roy, après avoir parlé de " voile interposé entre le réel et nous" qui, soudain, " comme si un enchantement se dissipait, " tombe ; — de notions " renouvelées, rajeunies, comme par une clarté du matin " ; — " d'intuitions neuves " qui éclosent " lourdes et comme trempées de vie " dans cette lumière d'aube ; — M. Edouard Le Roy ajoute : " Cette nouveauté cependant n'a rien de paradoxal ni d'inquiétant. Elle répond en nous à une attente, exauce je ne sais quelle confuse espé- rance. Volontiers même, après coup, tant est vive l'impression de vérité, on croirait reconnaître ce que l'on découvre, comme

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