Page:NRF 8.djvu/990

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

982 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de mes sentiments, les circonvolutions de mon cerveau, la machine entière de l'être que je suis : voilà quelles sont ses preuves. La profondeur d'un tel dogme, comme de tout dogme catholique, c'est la profondeur où il descend en moi, c'est sa confusion avec la masse de moi-même. Vous pouvez le nier avec des mots, avec des rires : mais le soir, au moment de se coucher, l'homme fatigué regarde sa journée et il voit un manque en toutes ses actions, un vide entre ce qu'il a fait et ce qu'il avait résolu de faire. Il n'a pas épargné sa peine ; jusqu'à la nuit il a donné le même effort, et chaque minute lui semblait emplie à en déborder de sa besogne. Pourtant il a maintenant la sensation d'une sorte d'échec — et qu'il ne pouvait rien faire pour éviter. Nous avons beau nous appliquer : il y a un léger et fidèle malheur sur toutes nos entreprises ; nous ne rattrapons pas tout à fait ce sur quoi nos yeux sont fixés, il vient toujours un mystérieux moment oïli l'idée que nous suivons se dégage, s'échappe ; et quand nous avons fini notre ouvrage, elle nous raille d'un peu plus loin et nous n'avons entre les mains que son image blessée. — Nous sommes ici-bas comme des gens qui tâchent de retrouver un nom très ancien et perdu. Tous nos mouvements sont pareils à ces vagues pénibles de la mémoire qui viennent frapper l'oubli comme un mur. Et même lorsqu'il cède un peu, lorsque nous entrevoyons

�� �