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les conquêtes du commandant belormeau

L’honnête Breton poussa donc un soupir de soula­gement quand il entendit grincer la clef dans la ser­rure, et les feuilles mortes du jardin crépiter sous les bottes du commandant.

Il s’empressa de lui ouvrir, avec un sourire de bienvenue.

— Brou ! Quel temps ! fit celui-ci, en lui passant son manteau mouillé. Je suis transpercé jusqu’aux moelles.

« À la bonne heure, voici un feu réjouissant ! »

Le commandant Belormeau se laissa choir dans le vaste fauteuil de velours, jeta son colback, poudré de neige, sur la table et passa sa main dans les ondes lustrées de sa chevelure.

Joseph se tenait discrètement sur le seuil de la porte.

— Mon commandant n’a pas besoin de moi ?

— J’ai besoin de causer un peu avec toi ; viens t’asseoir, mon brave Joseph.

Cela se passait, ainsi, tous les soirs.

Malgré les invitations répétées de son supérieur, l’ordonnance ne s’était jamais permis de s’asseoir, en face de lui, sans y être autorisé ; mais il ne se le faisait pas redire. Il faut convenir que le comman­dant Belormeau n’avait point de morgue et que c’était un homme d’une bien agréable humeur.

La nature qui l’avait comblé de tous les dons physiques, s’était montrée un peu plus parcimonieuse, au moral ; le commandant avait l’esprit court et le cœur léger ; mais, comme sa conversation était empreinte de bienveillance, qu’il avait vu beau­coup de choses et de gens, qu’il était bon pour ses hommes, correct dans son service, bien peu s’apercevaient de ce qui pouvait lui manquer sous le rap­port de l’intelligence. Il n’y avait personne pour s’étonner de son avancement rapide, car le comman­dant ne comptait que quarante ans et il paraissait plus jeune encore.