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les conquêtes du commandant belormeau

de Noël au corsage, était délicieuse ; le brasseur et sa femme, aussi rubiconds l’un que l’autre et fort réjouis tous les deux, s’entendaient pour mettre leur convive à l’aise. Il n’y avait que Pierre Artevelle, également invité, qui se montrât d’une humeur revêche tout à fait inaccoutumée.

La cuisine de Gertrude était savoureuse ; les vins de la maison très capiteux. Les garçons n’avaient pas tardé à sortir de leur mutisme de commande. À la faveur de tout cela, le commandant Belormeau buvait, littéralement, Minna des yeux.

Celle-ci faisait, mon Dieu, ce qu’elle avait de plus sage à faire, feignait de ne pas s’en apercevoir ; mais Pierre pris d’un accès de jalousie féroce, eût voulu qu’elle fût hautaine, impertinente, voire même agressive. Minna devinait très bien ce qui se passait dans l’esprit de son fiancé, mais résolut, par taquinerie de ne le rassurer, ni d’un regard, ni d’un petit mot, glissé en aparté. Car, enfin, il ne lui eût pas été impossible de le rejoindre, quand prétextant l’éloignement de sa demeure, il se leva pour prendre congé. Elle n’en fit rien et Pierre partit dans le plus méchant état d’esprit qu’il eût jamais ressenti. Le commandant, au contraire, lorsqu’il se retira une heure plus tard, comblé d’amitiés, de prévenances, de cordiales et pressantes invitations pour la durée de son séjour, regagna son pavillon, en retenant, sous ses paupières l’image d’une jeune fille vêtue de blanc et auréolée d’or, et il s’endormit dans le plus profond enchantement.

Pierre Artevelle avait été décidément mordu par le serpent de la jalousie ; le baudrier, les épaulettes, le plumet et la flamme rouge du commandant Belormeau scintillèrent, toute la nuit, dans ses rêves. Dès le lendemain, ne tenant plus en place, il enfourcha son cheval et retourna chez François Stenneverck. Minna travaillait à sa place accoutumée et la salle