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les conquêtes du commandant belormeau

ne gardait d’autres traces du dîner de la veille que les touffes de verdure résineuse demeurées dans les corbeilles.

Pierre était sombre, grincheux, hérissé et Minna se sentait justement d’humeur un peu moqueuse.

L’accès jaloux de Pierre ne lui déplaisait pas : elle eut envie de faire durer le plaisir.

Le jeune homme à peine assis, ouvrit le feu.

— Eh bien ! vous l’avez eu, votre commandant, dit-il, avec aigreur !

— Nous l’avons eu et nous l’aurons encore.

— Évidemment, s’il ne revenait point, ce ne serait pas faute d’en être prié. Votre père l’a littéralement comblé d’invitations.

— N’était-ce point tout naturel ?

— Moi, je ne comprends pas ces engouements subits, ces avances pressantes à un inconnu.

— En la circonstance, cela s’adresse moins à l’homme qu’au soldat.

— Pour mon compte, ce bellâtre m’a été absolument antipathique.

— Pas à moi.

— Il m’a toujours semblé que la beauté était ridicule, chez un homme.

— Pas à moi.

— Vous l’avez assez prouvé. 

— Que voulez-vous dire, Pierre ? lança Minna en mordant son fil, d’un petit air détaché.

— Que vous avez laissé, au commandant, tout le loisir de vous contempler.

— Souhaitiez-vous que je lui jetasse le contenu de mon verre à la tête ?

— Une femme a d’autres moyens pour faire entendre, à un homme, que son attitude lui déplaît.

— Mais elle ne me déplaisait pas.

— S’il en est ainsi, proclama Pierre, en se levant brusquement, je ne sais pas ce que je fais ici.