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à travers le grönland.

nous, sur les points élevés du radeau se trouve encore du névé dont la fusion procure une très bonne boisson. »

28 juillet. — Aujourd’hui comme hier, inaction complète. Notre crainte d’arriver une seconde fois à l’iskant était justifiée. Notre radeau a approché de moins de 500 mètres de la lisière de la banquise. Nous désirions même l’atteindre et être entraînés ensuite en mer pourvoir se terminer enfin cette ennuyeuse dérive au milieu de la banquise. La houle était faible, le vent favorable ; nous aurions pu dans ces circonstances arriver en vingt-quatre heures au cap Farvel où il aurait été certainement possible de débarquer.

« Il était écrit que nous ne devions pas arriver à la pleine mer. Après avoir dérivé pendant quelque temps le long de l’iskant, notre glace fut entraînée au milieu d’un large champ de drifis vers le sud. La banquise est ici étroite. Nous sommes devant le fjord Mogens Heinessön, à 15 milles de terre, et l’iskant est tout près de nous.

« Hier le temps était froid, et couvert comme en hiver ; aujourd’hui le soleil luit. Au nord comme au sud de Karra Akungnak s’étend la nappe blanche de l’inlandsis d’ici. Elle semble une plaine unie que l’on pourrait parcourir en voiture. Çà et là s’élèvent des nunataks plus nombreux que ne l’indique la carte de Holm. La vue du glacier entraîne nos pensées vers l’intérieur du Grönland.

« Notre tour viendra bientôt de le parcourir. » Cette pensée, qui peut paraître téméraire après toutes nos désillusions, termine la partie de mon journal relative à la dérive de la banquise. Le 31 juillet seulement, je pus reprendre ma relation, elle commence par cette phrase : « Quelle différence entre noire situation présente et celle où nous nous trouvions lorsque j’ai écrit les lignes précédentes. Autour de nous c’était alors la solitude de la banquise et de la mer, maintenant nous sommes entourés par des Eskimos et des chiens, puis voici des bateaux, des tentes ; un beau soleil d’été reluit, et nous avons sous les pieds le sol du Grönland. »

Ces lignes ont été écrites durant notre balle au premier campement d’indigènes que nous avons rencontré, maintenant je dois raconter comment nous y sommes parvenus.

Le 28 juillet au soir, un brouillard épais nous avait enveloppés, dérobant la vue de la côte à nos regards. Plusieurs fois dans le cou-