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à travers le grönland.

au nord et au nord-est que vers le sud, le sud-ouest ou l’ouest. Pour cette raison, les marins qui veulent atterrir doivent contourner la côte vers le sud-ouest et l’ouest, jusqu’à ce qu’ils aient dépassé les glaces ; après cela seulement ils doivent se diriger vers terre. Des navires qui n’ont pas suivi cette route ont été plusieurs fois pris au milieu de la banquise. Des marins nous ont fait eux-mêmes le récit de leurs aventures. Pour se sauver, ils avaient dû abandonner leurs navires et gagner la côte dans des canots. Avant de pouvoir atterrir, quelques-uns sont restés quatre à cinq jours sur la glace, d’autres même plus longtemps.

« Souvent les glaces sont immobiles, mais il peut arriver qu’elles se déplacent. La vitesse de leur marche peut dépasser celle d’un navire poussé par une bonne brise. La banquise dérive parfois en sens inverse de la direction du vent. On rencontre encore sur cette mer des glaçons d’une autre espèce que ceux dont nous venons de parler, et que les habitants du Grönland appellent fall-jökla[1]. On dirait de hautes montagnes s’élevant au milieu de la mer. Généralement, elles ne se trouvent pas avec les autres glaces et restent isolées. »

On pourrait croire cette description de la banquise du Grönland écrite de nos jours. Le régime des glaces dans ces mers était donc au moyen âge le même qu’aujourd’hui[2].

Peu de temps après la composition du Kongespeil, les communications entre l’Europe et le Grönland cessèrent, les colonies Scandinaves tombèrent en décadence et les marins oublièrent ces renseignements sur la navigation dans ces parages.

Le souvenir du Grönland se maintint toujours dans la mémoire des Scandinaves, et pendant longtemps la question fut agitée d’envoyer des navires à la recherche des « colonies perdues ». Sous le règne de Kristian II, par exemple, l’archevêque norvégien Valkendorf proposa de rattacher le Grönland à son diocèse, mais ce projet n’eut même pas un commencement d’exécution. Dans la seconde moitié

  1. Isbergs.
  2. Une saga islandaise en fournit une preuve pour le détroit de Danemark. Un habitant de cette île, raconte-t-elle, gravit les montagnes pour reconnaître si la glace s’éloignait de la côte. La banquise s’étendait cette année-là jusqu’à l’Islande.