Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/203

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raconte Holm, l’heureux chasseur le fait circuler devant toute l’assistance, on se le passe de main en main en témoignant bruyamment ses impressions, après quoi on le rend au propriétaire, qui l’avale avec un air de satisfaction manifeste. À notre grand regret nous n’eûmes pas la chance d’assister à pareille fête.

Les Eskimos, avant d’être en relation avec les Européens, ne connaissaient pas la puce. Nous avons enrichi, parait-il, de cet insecte
enfant eskimo du cap bille. (d’après une photographie.
la faune du pays, et les indigènes de la côte occidentale donnent à cet aphaniptère le nom de « pou européen ».

Les Eskimos font très bon ménage avec ces parasites ; d’abord ces insectes leur donnent l’occasion de se distraire quand ils n’ont rien à faire ; en second lieu, ils sont pour eux une vraie friandise. Ils ont imaginé des engins spéciaux pour capturer ce gibier ; les pièges consistent en brindilles de bois surmontées de touffes de poils de lièvre qu’on place dans le cou entre la peau et les vêtements. Les insectes se réfugient dans les touffes chaudes des poils et se laissent ainsi prendre le plus facilement du monde.

Après ce que je viens de raconter, ne croyez pas que les Grönlandais vous fassent éprouver un mouvement de répulsion. Très rapidement on s’habitue à la saleté, ce qui était facile du reste pour nous. On s’accoutume également à les voir se gratter le nez, les oreilles et la tête ; après un court séjour, l’atmosphère de leur tente n’incommode plus, et bientôt on trouve un certain charme à la compagnie des Eskimos.

Il est difficile de prononcer un jugement sur la beauté de cette race, car la beauté est une chose très relative. Prend-on comme point de comparaison le type grec, la Vénus de Milo par exemple, je dois avouer que les indigènes de la côte occidentale du Grönland en sont bien éloignés et que personne parmi eux ne représente ce genre de beauté. Mais si nous nous débarrassons des préjugés classiques, et si nous considérons comme beau, non ce que nous avons