Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/206

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Personne ne demanda ensuite de compensation pour les cadeaux qui nous avaient clé faits. Ces malheureux indigènes pratiquent l’hospitalité avec une cordialité dont on ne saurait trop faire l’éloge. La manière dont ils l’entendent doit nous faire honte, à nous autres gens civilisés : vous les verrez par exemple recevoir leur ennemi mortel, si les circonstances l’obligent à chercher un refuge chez eux, et l’héberger pendant des mois.

Après être restés quelque temps dans la tente, nous songeâmes à organiser notre campement.

Nous choisissons pour le bivouac un rocher voisin de la mer, et commençons à y apporter nos bagages. Dès que les Eskimos voient notre mouvement de va-et-vient, vite ils accourent nous aider ; tous se chargent, qui d’un sac, qui d’une boîte, et il faut voir avec quelle joie ils examinent chaque objet. La vue des grandes boîtes en fer-blanc qui contiennent une partie de nos provisions les transporte d’admiration ; c’est à qui les touchera ; on les tourne et retourne dans tous les sens, sans que la curiosité soit jamais satisfaite.

Après cela, il faut tirer les canots au sec. Pas moins de vingt à trente hommes s’attellent pour tirer une embarcation vide ; lorsque l’un de nous commence à entamer la plainte rythmée des matelots : Oh hisse ! l’allégresse est à son comble.

Cette manœuvre terminée, nous nous occupons à dresser la tente, ce qui intéresse également beaucoup les Eskimos. Les embarcations, les tentes, comme toutes les choses dont eux aussi se servent, excitent particulièrement leur curiosité. Avec quel étonnement ils voient notre petite habitation en toile installée en quelques minutes ! Nos vêtements attirent également leur attention, surtout les robes blanches des Lapons bordées de lisérés jaunes et rouges. Les bonnets carrés, ornés de cornes aux quatre coins, dont sont coiffés Balto et Ravna, sont particulièrement admirés.

Le soir, lorsque les Lapons revêtirent leurs robes en peau de renne, tout le monde voulut voir cette belle fourrure et passer la main au-dessus. Ce n’est de la peau ni de phoque, ni d’ours, ni de renard, est-ce de la peau de chien ? demandent-ils, toujours par signes. Non, et Balto essaye de leur faire comprendre que celle belle et bonne fourrure provient du renne, un animal qui a sur la