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a travers le grönland.

ne nous réveillâmes même pas. Les rations avaient été réduites au strict nécessaire. On ne travaillait pas, on n’avait donc pas le droit de manger. Un seul repas fut servi chaque jour ; plusieurs estomacs protestèrent, mais il fallait ménager les provisions.

Lorsque nous ne dormions pas, on passait le temps, qui à écrire la relation du voyage, qui à conter des histoires ou à lire quelques-uns des livres de notre petite bibliothèque, des livres passionnants tels que la Table des Logarithmes, l’Almanach nautique, ou encore le travail du professeur Helland sur les fjords producteurs d’isbergs au Grônland. Comme d’habitude en pareille circonstance, Balto et Ravna lisaient l’Ancien Testament. Dans la matinée du 20 août, le temps devient meilleur et nous pouvons continuer le voyage.


sous la tente pendant la tempête. (dessin d’e. nielsen.)

Le glacier est maintenant très crevassé. Dans la direction d’un monticule situé en face de nous et que nous voulons atteindre, la surface de l’inlandsis est fendillée dans tous les sens. Il y a là un système de crevasses qui se coupent à angle droit et que nous ne pouvons réussir à traverser. Nous inclinons alors vers le nord, et de ce côté parvenons à atteindre le sommet du mamelon. Nous descendons l’autre versant en glissant, assis sur nos traîneaux, au milieu d’un labyrinthe de crevasses. Attention tous, pour ne pas culbuter dans ces gouffres ! Plus loin le glacier est d’un parcours facile, la pente moins rapide et les fentes moins nombreuses. En certains points le traînage est même aisé, chacun peut tirer seul