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a la voile sur l’inlandsis.

s’éloigne rapidement dans le tourbillon de neige. La situation n’était pas précisément gaie.

Immédiatement je me relève et file sur les traces de Sverdrup. A ma grande joie, j’avance rapidement, poussé par le vent.

Bientôt je trouve sur la glace la hache cause de ma chute, puis un peu plus loin une boîte en zinc renfermant le précieux chocolat à la viande. Je me charge de ces deux objets et poursuis ma route ; mais à peu de distance je fais de nouvelles trouvailles : ma jaquette en peau et trois boîtes de pemmican. Ne pouvant me charger de tous ces objets, je prends le parti de m’asseoir et d’attendre du secours. Sur ces entrefaites arrivent Kristiansen et bientôt après le second traîneau. Au moment de charger les boîtes perdues par Sverdrup, Balto s’aperçoit que de son traîneau sont également tombées trois boîtes de pemmican. Il faut maintenant aller à leur recherche. Pendant ce temps Kristiansen et moi filons en avant et avons bientôt le plaisir de rejoindre Sverdrup. Nous attendons alors les autres, ce qui n’était pas précisément agréable, avec la tourmente qui soufflait. Sverdrup nous raconta qu’il nous croyait assis à l’arrière du traîneau, la voile l’empêchant de voir dans cette direction. Très étonné de ne pas nous entendre parler, il nous avait adressé la parole, mais personne ne lui avait répondu. Il avait alors continué sa route, puis à différentes reprises nous avait interpellés. Ses cris étant restés sans réponse, il avait fait verser le véhicule, et, à son grand étonnement, n’avait trouvé personne derrière. Dans le lointain, à travers la brume, il m’avait alors aperçu assis sur les boîtes et attendant du secours comme un petit point noir sur la glace. Après de grosses difficultés, il avait réussi à amener la voile et nous attendait.

Quand Sverdrup fut fatigué, je le remplaçai au timon. Nous rencontrons plusieurs pentes rapides ; poussés par le vent, nous les descendons à toute vitesse. Sur ces déclivités la position de celui d’entre nous qui est placé en avant n’est pas sans danger. S’il avait le malheur de tomber, le traîneau lui passerait inévitablement sur le corps et l’écraserait. Pour éviter pareil accident, le « timonier » doit toujours ouvrir l’œil, tenir solidement la barre, patiner avec prudence et surtout éviter les monticules de neige escarpés.