Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
a travers le grönland.

Avec un chasse-neige comme aujourd’hui, le moment des repas n’est pas précisément agréable, aussi les abrégeons-nous le plus possible.

Tout à coup dans l’après-midi, au moment où nous filons avec une vitesse vertigineuse, un cri part du traîneau de Dietrichson. « Terre ! terre ! » hurle Balto. Oui, en vérité, voilà tout là-bas à l’horizon la terre ferme, la côte occidentale, le but de notre voyage. À travers les tourbillons de neige, moins épais depuis un moment, apparaissent très loin dans l’ouest deux taches noires qui sont évidemment des montagnes.

« Dans l’après-midi du 19 septembre, raconte Balto dans son journal de route, pendant que les traîneaux marchaient à la voile, j’aperçois à l’ouest une tache noire. Je la regarde attentivement et reconnais bientôt une montagne. La côte occidentale est en vue, dis-je de suite à Dietrichson, et celui-ci crie aussitôt la bonne nouvelle aux autres. Hourra ! hourra ! Cette vue nous réjouit fort, comme bien on pense. Nos forces sont maintenant doublées, nous avons l’espoir de réussir dans notre traversée du plus grand glacier du monde. Fussions-nous restés plus longtemps dans ce désert, je crains bien que nos forces eussent faibli.

« Aussitôt Nansen commande de faire halte et distribue à chacun de nous deux biscuits de chocolat à la viande. Chaque fois que nous arrivions à un point marquant, à la fin d’une grande étape ou lorsque survenait un événement important, nous avions l’habitude de faire quelques extra. Nous fêtâmes ainsi notre débarquement sur la côte orientale, notre arrivée à Umivik, au point culminant de l’inlandsis, enfin en vue des montagnes de la côte occidentale. En pareille circonstance, Nansen nous donnait des confitures, des biscuits de mer et du beurre. »

Les montagnes que nous apercevons sont situées à droite de la route que nous suivons. Le glacier paraissant plus facile de ce côté, nous prenons le parti d’incliner dans cette direction.

Bientôt la terre disparaît dans les tourbillons de neige. Le vent fraîchit et tout l’après-midi nous continuons rapidement la descente sans plus rien apercevoir. Un peu plus tard la pente devient moins accusée et la brise semble tomber ; heureusement ce n’est qu’une