Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
344
a travers le grönland.

si, après une semaine d’attente, rien ne venait. Dans ce cas, la disparition de Nansen eût été vraisemblable, et après ce laps de temps tous nos vivres eussent été épuisés, excepté le pemmican. De cet aliment nous avions encore une quantité suffisante pour accomplir le voyage par les montagnes.

« Devant la tente nous faisons un grand feu et tout l’après-midi nous restons là couchés, perdus dans la rêverie. Maintenant le temps des épreuves est passé. »

Les jours suivants, mes camarades vécurent dans une oisiveté particulièrement douce après nos rudes labeurs.

Dans l’après-midi du 6 octobre, Dietrichson chassait sur les bords du fjord, lorsque soudain il entend un coup de feu. « Immédiatement, raconte-t-il, j’escalade un monticule pour aller à la découverte, et bientôt j’aperçois deux Eskimos chargés de sacs. Je pousse un cri, ils s’arrêtent, et je marche aussitôt à leur rencontre. Ce sont des exprès envoyés par Nansen avec une lettre nous apprenant son heureuse arrivée à Godthaab et l’envoi de vivres. Nansen m’annonce également le départ d’une embarcation pour nous amener à la colonie, mais jusqu’ici sa sortie a été retardée par la tempête. Je conduis les Eskimos au campement.

« Toute la matinée j’avais souffert de la faim, néanmoins je n’avais pas voulu entamer mon dîner, composé d’un morceau de biscuit à la viande et de pemmican. Maintenant le temps des privations est passé et en un clin d’œil j’avale ces provisions.

« Naturellement grande est la joie au campement à la vue des Eskimos. Je lis d’abord la lettre de Nansen, puis nous ouvrons avec curiosité les paquets dont sont porteurs les Eskimos. Ils contiennent du pain, de la viande, du café, du tabac ; mais ce qui nous fait le plus de plaisir, c’est le beurre et le lard. Les dames danoises de Godthaab avaient eu l’aimable attention de nous envoyer également des friandises. Immédiatement nous commençons à manger ; avec quel appétit et quel plaisir, je vous laisse à penser ! Nous nous jetâmes littéralement sur les aliments gras : jamais aucun de nous n’a absorbé une telle quantité de graisse que ce jour-là. »

Balto raconte en ces termes cet événement important :

« Dietrichson était parti à la chasse avec un biscuit dans sa