Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
SCÈNES D’HIVER

naissent aucun obstacle. Les arbustes se brisent de chaque côté et s’entassent dans la neige qui s’ouvre. La mousse du sol, les roches, se mêlent à l’avant du soc plat, large autant que le chemin.

La masse soulevée, tachée de rouge, de vert, roule, tel un énorme boa, et retombe sur les bordures, pour s’y congeler aussitôt. La sueur des chevaux s’accumule en frimas humide, sur les robes uniformes. De temps à autre, arrêt et repos.

Les bêtes sont contentes, tournent la tête et regardent cette locomotive sans roues qu’ils promènent. Puis, se lèchent le cou, le dos. « Nellie » pioche. « Togo » hennit. « Danny » chasse avec sa queue la neige qui chatouille ses flancs. Et « Pitoune », d’une grimace toute drôle, presqu’humaine, essaie de prendre avec ses dents le glaçon arrondi, qui n’est pas une galette et lui pèse aux naseaux. Bazinet va au secours de la pauvre pouliche.

Il soulage aussi les autres victimes de monsieur Frimas. Dégrafant un petit marteau en fer de sa ceinture de cuir, et se penchant, en brave charretier, il demande poliment : « Ta patte », à droite, « ta patte », à gauche, « ta patte », au centre, « ta patte » partout. Il débotte ses percherons qui parfois enfoncent dans les « ventres de bœuf », toujours inaccessibles au froid