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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

recommandé son adjudant, qu’il présenta au général Canrobert. Le général Bosquet se trouvait là, qui reconnut et questionna avec bienveillance son « enseigne de l’Alma ».

Informé que Ferdinand débarqué du Roland ne savait s’il y retrouverait sa place :

« Eh bien, il restera avec moi, dit le général Bosquet, beaucoup d’officiers de marine sont détachés ainsi. Ma proposition vous agrée-t-elle, monsieur de Résort ?

— Elle me ravit, mon général, pourvu que le commandant de la Roncière l’approuve.

— Il l’approuvera, j’en fais mon affaire. »

En effet, le commandant du Roland, consulté, donna son adhésion en faisant l’éloge du jeune enseigne. Celui-ci ne tarda pas à rencontrer le général Bouat, qui s’écria :

« Je le disais bien : vous êtes né sous une heureuse étoile. Quoi ! revenu de ce terrible fort Génois sans une égratignure ! Allons, bonne chance pour la première affaire ; cette affaire est proche, croyez-moi. »

En effet, l’attaque et la défense travaillaient sans relâche, les gabions, les fascines étaient portés de nuit aux ouvrages, que, de leur côté, les assiégeants reliaient entre eux, plus rapprochés et plus solides.

L’impatience dévorait l’armée.

Ferdinand avait la fièvre en songeant à la bataille où il serait aux premiers rangs, car son général commandait le corps d’observation. Sur le plateau d’Inkermann et les positions de Balaklava, les divisions anglaises et celles du général Bosquet demeuraient jour et nuit sous les armes, inquiétées par les bombes russes. En s’endormant, officiers et soldats se disaient : « À demain la grande attaque. »

Le 24 octobre, le général Bosquet employa la matinée à écrire, ou à signer des papiers qu’il envoyait dans toutes les directions. Précis dans ses ordres, brave, cela va de soi, le général Bosquet était autoritaire, souvent cassant, et, tout en lui reconnaissant les grandes qualités d’un chef, on l’estimait plus qu’on ne l’aimait. Ferdinand, d’abord très intimidé, arriva promptement à comprendre la valeur de son général. Ce dernier, s’adressant à l’enseigne de vaisseau en service ce jour-là :

« Savez-vous l’anglais ?

— Oui, mon général.

— Le parlez-vous couramment, l’écrivez-vous de même ?

— Je le parle couramment, mais avec un accent français, et je crois l’écrire sans faute.