Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/243

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— Fort, bien. Transcrivez en anglais cette dépêche que vous irez ensuite porter à lord Lucan, au camp de Balaklava, en prenant une escorte. Vous reviendrez avec la réponse ici, n’importe à quelle heure. Écrivez là. »

Ferdinand s’assit et il écrivit rapidement, non sans envoyer un souvenir à sa mère, qui lui avait enseigné la langue anglaise. Sa tâche achevée, il s’approcha du général encore occupé à signer des ordres.

« Voici, mon général.

— Ah ! j’aime les gens expéditifs ; la lettre est bien, je suis satisfait, partez promptement. Au revoir.

— Au revoir, mon général, et merci. »

Des chevaux tout sellés attendaient en dehors des tentes. Ferdinand expliqua le but de sa mission au capitaine de service, et bientôt, escorté par quatre lanciers, il partit à fond de train. La route n’était qu’une promenade hors des atteintes d’aucun obus.

La journée finissait avec un superbe coucher de soleil. En galopant, Ferdinand se sentait très joyeux et comme dans l’attente d’un événement agréable. Arrivé au quartier général anglais, il se rendit à la maison occupée par lord Lucan. Là, ayant décliné son nom et remis la dépêche, il fut introduit auprès d’autres officiers par un capitaine qui, suivant le très bon usage de son pays, présenta le nouvel arrivant.

« Major Brown, dit-il, M. de Résort ; capitaine de Monnins, M. de Résort ; mylord Keith, M. de Résort. » Alors, les derniers nommés poussèrent une exclamation et tombèrent dans les bras l’un de l’autre.

« My dear, my dearest friend, disait le premier.

— Mon cher Harry, quel bonheur de vous retrouver, » ajoutait le second.

En attendant la réponse de lord Lucan, les deux jeunes gens causèrent un instant.

Ferdinand interrogea d’abord son ami : « Comment avez-vous quitté l’Inde et le génie pour vous retrouver ici officier d’artillerie ? »

Harry répondit : « Mon père aimait l’Inde, mais, après sa mort, ce pays, où j’avais eu la douleur de perdre aussi ma mère, me devint odieux. Arrivé en Angleterre, j’ai pu facilement permuter avec mon grade dans un régiment d’artillerie au moment où se préparait l’expédition de Crimée. »

À son tour, Ferdinand parla de sa dernière campagne.

« Et ce bout de ruban ! Vous ne m’en dites rien. Où l’avez-vous donc trouvé ? Il me semble que peu d’officiers français l’obtiennent à votre âge. »