Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/251

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« Qu’en va-t-on faire ? » demanda-t-il au chirurgien.

Celui-ci répondit : « On va enterrer cela avec les autres objets du même genre.

— Objet est charmant, répliqua l’officier. Eh bien, on m’obligera fort en mettant sur ma jambe le papier que je vais vous donner. »

Alors, demandant son calepin, il en déchira un feuillet où il écrivit ces mots :

« À l’une de mes meilleures amies. Regrets éternels. »

« Voilà qui est bien français, » dit le général en chef, à qui l’anecdote fut racontée le soir même par un témoin.

Un matin, déjà soulagé, Ferdinand écoutait le bruit de la canonnade, qui ne cessait plus jamais, et il s’impatientait d’être cloué là, bon à rien :

— Mon capitaine, lui dit son ordonnance, un capitaine de marine demande après vous.

— Eh bien, priez-le d’entrer, répliqua Ferdinand, qui poussa un cri de joie en apercevant Langelle.

— Mon cher Résort, s’écria celui-ci, quelle joie de vous voir sain et sauf ! Ah ! que je suis donc content, mon vieux Résort. »

Et il ajouta, un peu ému, en pressant doucement la main non attachée :

« À bord, on parle de cette blessure-là ; vous avez été d’un chic, paraît-il. Enfin, ça leur montre ce que nous valons, à ces bons troupiers. Et le général en chef ne nous a-t-il pas adressé un bel ordre du jour ! Mais, voyons, quand serez-vous sur pied ?

— Pas encore, j’en ai peur. Et toutes les nuits une bête de fièvre me prend.

— Ces ambulances sont malsaines, trop encombrées. Il faudrait passer quelques jours à notre bord. Si vous y consentez, j’en demanderai l’autorisation au commandant Jehenne, un de nos meilleurs officiers et des plus charmants. Aussitôt que le docteur vous jugerait en état, nous choisirions un jour où le Henri IV serait mouillé à Kamiesh, et une corvée de matelots vous y porterait, hein ?

— Oui, si décidément le docteur ne veut pas signer mon exeat avant les trente jours révolus, j’irais volontiers passer une quinzaine auprès de vous. Comme c’est gentil de me le proposer !

— Le commandant Jehenne est fort lié avec votre père, ainsi la chose ira de soi. Mais, dites-moi si vous avez reçu des nouvelles de l’amiral ?

— Oui, et de ma mère, qui s’inquiète parce que mon père est revenu de la Baltique le mois dernier extrêmement fatigué. Sa croisière a été très dure, vous le savez ; cependant il espère obtenir