Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

figure : « Voyons, s’écria l’aspirant, voyons, tas de soldats ! embarquez, et ensuite si quelqu’un nage de travers ou prononce une parole, tous aux fers ! »

Au large, le courant très fort devient contraire, on avance lentement, impossible de mâter pourtant, car les bancs sont trop encombrés. En approchant du bord, les hommes parlent et ils nagent en dépit du bon sens ; leur accostage se trouve manqué. En voulant éviter, le matelot de l’avant laisse tomber sa gaffe à l’eau, un quartier-maître injurie son camarade et se sert des mots les moins parlementaires. L’aspirant se dit qu’il est sûr d’attraper un fort abatage lui-même, à cause de cette maudite poste aux choux.

Le jeune homme ne se trompait pas ; dès qu’il atteignit la coupée de bâbord :

« Eh bien, monsieur, s’écria l’officier de quart, eh bien, je ne vous fais pas mon compliment. Quel accostage, et dans quel état sont vos hommes ! Je vous conseille de prendre quelques leçons la première fois que vous aurez à commander une embarcation. »

Ainsi réprimandé, l’aspirant baisse la tête, sans essayer de présenter des excuses qui ne seraient pas écoutées. Mais la cause de tous ces ennuis, le cuisinier mérite d’en porter la peine et il la portera. Cinq jours de fers au maître-queux à faire en dehors des heures de fourneaux. Déjà toutes les embarcations ont été placées sur leurs portemanteaux respectifs ; la chaloupe, le grand canot et le youyou seuls restent les uns dans les autres entre le grand mât et le mât de misaine.

Au moment de descendre à terre, afin de prendre les ordres du préfet maritime, le commandant a fait hisser le pavillon de partance. On veille son retour et l’homme de vigie, sa lunette braquée sur la ville, annonce bientôt : « La baleinière du commandant quitte l’escalier de la jetée. » Vent arrière et sous voile, l’embarcation file très vite. Elle accoste et on la hisse sur son portemanteau pendant que le commandant gravit l’échelle ; ensuite cette échelle sera rentrée : on ne l’amènera plus en France de bien longtemps.

Le commandant arrive sur la dunette, où les officiers et les hommes se découvrent. Alors l’officier de manœuvre s’avance :

« Commandant, dit-il, tout est prêt pour l’appareillage, le pilote vient de monter à bord.

— Établissez la voilure, répond le commandant, nous abattrons sur bâbord, parce que la brise souffle franchement de l’est à présent. »

Les voiles sont larguées, les huniers et les perroquets établis par les gabiers de quart qui exécutent ces divers commandements. On brasse tribord devant, bâbord arrière.