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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE.

« Tout comme vous, disait Fanny : vous êtes un brin volontaire, mais vous deviendrez un brave homme semblable à votre papa, car vous donnez aux pauvres et vous dites la vérité. « Alors, maman, j’ai eu honte et j’ai pris la résolution de vous avouer ce soir mon mensonge, avant que vous puissiez vous en apercevoir.

— Mon enfant, je ne te gronderai pas, puisque tu comprends ta faute ; mais en tout le pardon et l’aveu sont insuffisants, il faut encore l’expiation ; la tienne sera d’avouer cela à Fanny, dont tu as volé les louanges.

— Maman, c’est que ça me coûtera beaucoup, je préférerais être privé de dessert pendant plusieurs jours.

— Il ne s’agit pas de tes préférences, mais de faire quelque chose qui te coûte et dont tu te souviennes.

— Eh bien, maman, je vous obéirai, mais ça m’ennuie. Pourtant c’est dit, embrassez-moi encore, car je ne vous ai pas tout conté ; mais le reste n’est pas trop ma faute. Enfin, voilà. Nous marchions dans la lande, et en approchant de Siouville, nous avons aperçu Thomas assis derrière un buisson avec Thomy, et ils ne nous voyaient pas. Pastoures, qui m’aurait vite senti, était occupé un peu loin avec les brebis. Alors Fanny m’a dit : « Voulez-vous aller m’attendre auprès du berger, parce que je voudrais entrer chez la Phrasie, où il y a un enfant malade, et votre maman n’aimerait pas que vous y entriez aussi ? Dans dix minutes, je vous rejoindrai. » Alors j’ai dit oui ; vous savez comme j’aime causer avec Thomas et Pastoures, quoique je n’aime guère le petit Thomy.

« Non, ajouta Ferdinand d’un air convaincu, non, je n’aime pas du tout Thomy, et à la ferme tout le monde déteste le mauvais garçon.

— Voilà un mauvais sentiment, qu’il faut chasser au plus vite pour ta part. Mais tâche d’abréger ton récit, il est l’heure du coucher.

— Je vais tâcher, maman. Je me suis donc approché à pas de loup, parce que je voulais faire une niche à Thomas et crier : « Hou ! hou ! » tout près de lui, avant qu’il m’aperçût. Je marchais doucement et, arrivé de l’autre côté de la haie, je me suis arrêté, au lieu de crier : « Hou ! » pour écouter, en retenant ma respiration, ce que disaient les deux Thomas…

— Eh bien, mon ami, c’est très mal, et il me semble que tu as profité de mon absence pour te laisser aller à deux vilaines tentations.

— Oui, maman ; mais écoutez, car il me semble que vous devez savoir ce que je sais ; je vous promets tout de même de ne plus jamais