Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— « Il y a longtemps que je paye pour le savoir, » fis-je en riant.

— « Faust, reprit le diable, était bien imbécile de vendre son âme à Méphisto, en échange d’une potion de « goof-balls » que n’importe quel apothicaire de son temps lui eut vendu à fort bon compte. »

— « Possible ! » dit Laliberté.

— « De son côté, ajouta le diable, si Goethe avait un peu réfléchi, il n’aurait pas raconté que Méphisto avait demandé à Faust de signer, de son sang, leur fameux pacte. »

— « Et pourquoi ? » lui demandai-je.

— « Méphisto, répondit le diable, était assez intelligent pour savoir qu’un vieux marcheur, pris d’un désir fou de rajeunir, afin de mieux courir le guilledou et de trousser les filles, est une recrue assurée pour l’enfer. »

— « Ça crève les yeux ! » dit mon oncle en riant.

— « Quelle idée, reprit le diable, ont bien pu avoir Carré et Barbier… et même Gounod, de faire chanter à Faust s’en allant séduire Marguerite : « Salut, demeure chaste et pure » ? Était-ce bien le moment où il songeait à la chasteté et à la pureté ? Et comment avaler cette salade de l’Air des bijoux : « Réponds, réponds, réponds-moi ! » Ah ! la barbe, hein ? »

Je ne pus m’empêcher de donner raison au diable, tandis que mon oncle, saisissant le ridicule de la situation, riait à gorge déployée.

— « Je ne vous éplucherai pas, continua le diable, tout l’opéra, scène par scène, ce serait trop long. Mais, songez au ridicule de cette scène où Valentin chante, sur un air de cantique : « Avant de quitter ces lieux, sol natal de mes aïeux, à toi,