Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/33

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monsieur a aimé mieux faire la petite bouche, rester toute sa vie un poète miteux et un éternel mangeur de vache enragée. Je te blâme et je te plains. »

— « Eh bien, tu as tort. Blâme-moi, si tu veux, mais je te défends de me plaindre. J’ai vécu et je vis encore la vie que j’ai toujours aimée. Tout jeune, j’ai été fasciné par la beauté de ce vers de « Cyrano » que j’ai adopté comme devise : « Ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul ». Et c’est sans envie que je moque des rampants. Vois-tu, mon vieux, quoiqu’on en dise, on ne meurt pas si facilement de faim. Du reste, je ne me suis jamais couché sans souper ; je ne me couchais pas plutôt ! »

Mon compagnon ne répondit pas et haussa les épaules, ce qui me fit quelque peu sursauter. « À quoi bon discuter avec pareil hurluberlu ? » se disait-il sans doute.

La nuit était devenue de plus en plus noire et de plus en plus fraîche, et perdu dans mes réflexions, j’ai dû m’assoupir…