Page:Nau - Force ennemie.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est un astre rouge que je vis pour la dernière fois briller très bien, quoique presque imperceptible, au moment où ta Terre était grosse, dans l’espace, comme la molette de l’un des éperons du délicieux Bid’homme. — Cet astre est un chaos de rochers couleur de sang. Çà et là quelques rares vallées habitables se creusent entre les monts presque verticaux, des vallées aux fonds noirâtres, aux parois saignantes sous un ciel de charbon ou de cuivre selon l’heure. On y mène une existence qui te glacerait d’effroi. Dans ces déserts rocailleux cernés par les murailles des infranchissables montagnes, se pressent, sans demeures, sans abris d’aucune espèce, sous les longs fouets excoriants et gélides des bises, des multitudes d’êtres semblables à ce que j’étais…

— Très différents des habitants de la Terre ?

— Non pas, très analogues, au contraire ; mais lugubrement laids, répugnants, monstrueux, (je le sens aujourd’hui), — avec des crinières de bêtes, des peaux teintes comme de boue et de sang, des griffes en poignards courbes, — faites pour lacérer, — et des yeux, des yeux globuleux, injectés, hagards, — pleins, tour à tour, de terreur lâche et de cruauté heureuse.

» Les portions habitables de l’astre sont parfois si encombrées de vivants que, dans les vallées étroites, les corps ne peuvent plus se reposer, s’étendre. Des jours et des jours, des nuits et des nuits, ils demeurent debout, serrés, tassés… Les os des uns entrent