Page:Nau - Force ennemie.djvu/160

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Je me mets à rire en pensant à cette ridicule soirée :

— Qu’as-tu ? me dit Roffieux d’un ton presque féroce.

— Allons ! Ne te fâche pas ! Je songeais à la vieille « taupe » du Casino.

— Non ! non ! gronde Elzéar, tu te rappelles autre chose, une autre chose qui te divertit bien plus à mes dépens, toujours à mes dépens, gredin !

— Voyons ! C’est toi qu’il va falloir enfermer ! Tu deviens enragé ! Que te figures-tu donc ?

Toujours à ses dépens ! L’expression, certes, est malheureuse. Beaucoup moins riche que lui c’est toujours moi qui lui ai prêté de petites ou de grosses sommes jamais rendues ; j’ai, de tout temps, « respecté ses biens » et, — pour parler comme les commentateurs de l’Écriture, — il ne m’est jamais arrivé de convoiter son bœuf, son âne… ni même, ni surtout sa femme. Oh ! sa femme ! Non, par exemple !…

Il est bizarre qu’au moment même où l’image de cette désagréable personne s’évoque en moi, grotesquement carnavalesque et grimaçante, Elzéar juge à propos de me parler d’elle — et sur quel ton, — bonté divine ! On jurerait que mon affable cousin se croit un juge d’instruction chargé de confondre un malfaiteur plein de diabolique astuce :

— Tu apprendras, peut-être, avec une certaine satisfaction, scande-t-il, que ma femme s’est beaucoup préoccupée de ton état.