Page:Nau - Force ennemie.djvu/173

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Le mari blêmit ; ses narines se gonflent. Il y a un silence de quelques secondes qui paraît durer un quart d’heure. Puis Roffieux retrouve sa voix et déclame comme s’il débitait des vers tragiques :

— Mettez vos gants, Raoula, mettez vos gants, vous dis-je ! Sortons d’ici ! Il se fait tard. Nous causerons avec le Dr Froin dans son cabinet. À bientôt, Veuly ! Allons, venez-vous, Raoula ? Raoula, venez-vous ?

Car mon cousin a toujours dit « vous » à sa femme, absolument comme les ducs et les ingénieurs des romans pour « gens du monde » (?)

Mais le Docteur arrive au moment où Elzéar me faisait un dernier geste de la main qui pouvait signifier aussi bien : « Au revoir, faux ami ! » que : « Nous nous retrouverons, scélérat !  »

Il a toujours, le père Froin, cette bonne expression simple et un peu timide des gens vraiment sincères, si différente de la « virile audace » des coquins et des mauvais drôles qui jouent, comme Elzéar, la comédie de la franchise. — Pas d’yeux étincelants de fausse loyauté, aucune de ces manières emphatiquement brutales où les « mufles » voient de la « bonté rude ». On lit dans ses regards de la bonté sans épithète et un peu de la tristesse ennuyée des braves gens excédés de l’écœurante farce des bateleurs humains.

Il m’est tout de suite évident qu’Elzéar ne lui est pas sympathique et il fait à Raoula ce petit salut bref, très courtois mais nullement aplati et