Page:Nau - Force ennemie.djvu/213

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prose officieuse, M. Letellier s’est présenté dans mon cabinet, escorté de deux jeunes médecins aliénistes dûment autorisés. Ces praticiens et leur client m’ont fait passer l’heure la plus désagréable de mon existence. Leur politesse plutôt ironique, la minutie de l’interrogatoire qu’ils m’ont fait subir, la dureté de leurs appréciations et leur parfait dédain nullement atténué par une phraséologie faussement respectueuse pour un « vieillard très fatigué », tout cela m’a atteint au plus profond de moi-même. J’aurais préféré des brutalités, des gifles, des coups de pied reçus en public. Quand nous nous sommes trouvés dans la chambre de la malade, cause innocente de tant d’… événements regrettables, j’ai cru un instant que j’étais un « lâche bourreau » et que mes trois visiteurs représentaient de généreux mais féroces héros de mélodrame, peut-être même des « anges vengeurs » trop bien peignés et atrabilaires.

» Après que les deux très jeunes docteurs eurent causé vingt minutes avec l’internée, la questionnant de la façon la plus hypocritement insultante pour moi, le plus solennel de la paire, orné de lunettes d’or de forme chinoise et prématurément décoré, se retourna vers moi et me décocha non sans véhémence : « Mais, monsieur, cette dame jouit, à l’heure présente, de tout son bon sens. Vingt ans d’amicales relations quotidiennes avec elle ne sauraient mieux m’asseoir dans mon opinion que les phrases très caractéristiques dont je viens