Page:Nau - Force ennemie.djvu/238

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force ne se trouvant pas toujours à la portée de nos dompteurs ; notre violence est, par conséquent, de bonne guerre.

Nous fourrons notre victime sous le lit, après lui avoir encore dérobé son trousseau de clefs. Je mets deux cents francs dans son gilet : « Pour vous et pour Léonard, vous partagerez.  » — Nous revêtons en deux temps une pèlerine à double collet énorme ; — nous nous coiffons d’un feutre cabossé ; me voici de tous points pareil au gardien Patoulet, comme moi voûté, maigre, orné d’une indigente barbiche pointue et généralement mal fait de sa personne. Je fais jouer sans trop de bruit les serrures de mon huis, enfile le corridor, descends doucettement l’escalier, trouve, comme j’en étais sûr, la porte du jardin ouverte et me hâte vers l’allée qui conduit à la loge, à la route, à la terre libre. Le crépuscule est très sombre. Sans grande émotion je croise Léonard qui revient de l’économat par un chemin aussi imprévu que brouillé avec la ligne droite — et quand il m’interpelle :

— Viens donc ’ci, vieux carcan, que j’ai ’core éteint ma sibiche et que je m’ai oublié de prendre mes allumettes.

Je réponds avec un parfait sang-froid :

— Des alleumettes, j’en ai point pour ta goule, grand ’gniant.

Il faut dire que, même à l’époque où je ne songeais guère à jouer les Casanova de cabanon, j’ai