Page:Nau - Force ennemie.djvu/255

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à sa manière, je deviens tout à coup très jeune, tout petit et repentant de je ne sais combien de méprisables gredineries qu’elle connaissait bien certainement et jugeait comme il convenait, avant même que je ne les eusse commises.

Ajoutez à cela qu’elle se croit simple et « bonne enfant », tout juste digne, sans trop de majesté, pleine de condescendance — et que personne ne lui paraît « faire assez de frais » pour elle, s’épanouir assez en sa présence. Elle reproche éternellement « aux gens » d’être guindés, réticents, fermés « comme des tombeaux ». Ne déploie-t-elle pas toutes ses grâces pour leur plaire ? — En veine d’amabilité elle a un petit ton hautainement gaillard, familier mais supérieur, qui tarirait la faconde d’un avocat-politicien. J’ai connu des hommes pleins de sang-froid qu’elle avait voulu « mettre à leur aise » et qui en gardaient, plusieurs années après, comme une sorte de courbature mentale.

Elle regarde fixement son mari qui me précède et lui dit avec une magnanimité peu rassurante :

— J’ai horreur de te faire des reproches ; mais tu savais que ce matin j’ai eu mal à l’estomac !…

Le dos de mon frère se voûte comme sous le poids d’un immense remords ; ses épaules, on dirait plus tombantes, semblent exprimer une désolation infinie :

… — Je ne me pardonnerais pas mon retard si je n’avais à t’annoncer une nouvelle qui va te faire