Page:Nau - Force ennemie.djvu/38

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qu’il voit le bon acteur bien absorbé par le soin de cuisiner ses périodes en lesquelles le blâme s’oint de quelque bienveillance, — un autre membre du groupe, un homme encore jeune à figure de Chinois, mais de Chinois passé à la gelée de framboises, s’approche de moi avec précaution.

Son teint naturellement jaune s’égaie de capricieuses et « complémentaires » enluminures de couperose plutôt violette que rouge. Il a les cheveux rudes, le front fuyant, des pommettes saillantes, d’étroits yeux mongols dont les prunelles brunes semblent « fourbies à la peau » plutôt que vivantes, d’imperceptibles moustaches couleur feuille-morte, une petite barbe poivre et sel qu’on dirait usée comme un vieux tapis, un long cou dont la pomme d’Adam ressemble à une grosse noix restée là en route, des omoplates pareilles à celles d’un très vieux cheval très maigre — et qui jurent avec le buste épais et court et le bedon rondelet. Cagneuses, ses jambes en arcs sont embellies de genoux cocoïdes.

Il emprunte, lui aussi, la chaise du Dr Magne, m’envoie deux bouffées de cigarette au nez et m’ « entreprend » à son tour. Son langage est moins fleuri que celui de ses prédécesseurs ; il s’exprime avec une certaine difficulté de parole que l’on peut croire due à de la timidité ; sa voix est sourde, ses gestes sont gauches. Il paraît horriblement malheureux et gêné d’être venu là ; mais il y est. Il faut qu’il marche et il y va héroïquement, la mort dans l’âme :