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La Présidente. Elle ! Il n’y en a pas une de sa force dans la ville, elle a commencé sitôt ! Nous sommes à peu près de même âge ; nous étions pensionnaires au même couvent. Ne se fit elle par faire à 15 ans, une infamie par l’aide jardinier, louche, bancroche, et qui avait bien quarante ans ! J’avais fait mon possible pour la dissuader de cette tentation ; mais, Mademoiselle voulait savoir, quel bien cela faisait… Elle prétendait s’en être fort bien trouvée, pendant un mois que dura leur commerce. J’eus pourtant pitié d’elle et lui prêtai certain petit neveu de l’Abbesse, qui m’avait plus agréablement instruite, et je lui fis ainsi quitter son malotru.

Mde. de Prudejoye. De mon tems les communautés n’étaient plus accessibles à cette licence. Ce fut avec bien de la peine que dans la mienne je pus faire parvenir jusqu’à moi, un passetems agréable[1] que m’avait fait faire en rentrant dans le monde, une amie qu’on mariait…

La Présidente. Colette, (c’est cette du Puisard) était donc grosse, soit du jardinier, soit de mon amoureux, lorsqu’on vint la retirer pour epouser le du Puisard, homme de rien, mais qui avait alors quelque fortune. Dès le mariage, il n’a cessé de partager sa salope de femme avec ses laquais, son coiffeur, son cordonnier. On n’a pas d’idée de la bassesse que cette femme a laissé voir dans tous ses choix.

Mlle. de Franchemotte. (peu amusée de ces grosses médisances) Vous aviés pourtant continué d’être grandes amies, depuis vos mariages ?

La Présidente. Assés long tems : nous ne sommes même point encore décidément brouillées : je vais chés la du Puisard, elle vient chés moi : une seule fois nous avons eu ensemble une terrible querelle.

Mde. de Prudejoye. Oui : cela fit du bruit dans le tems… Un jeune homme qui avait attrappé quelque chose ! Vous vous accusiés toutes deux d’être cause que le polisson

  1. Ce que les libertins de mauvaise compagnie nomment un Godemiché.