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si doux et si étrange qui, pendant un quart d’heure, vibre ainsi tous les soirs, depuis tant d’années par-dessus la ville silencieuse ! Que de fois, au loin, n’ai-je pas songé à cette voix grave, berceuse de nos rêves d’enfants, voix mélancolique comme une voix du passé évanoui, un moment ressuscité, envolée mélodieuse vers le ciel et vers la terre, triste comme un chant d’ancêtres, morts depuis longtemps, longtemps, et dont nul ne se souvient plus !

Sous la lueur opaline de la lune au zénith, la cathédrale semblait toute secouée d’étranges tressaillements, comme si les milliers de morts, qui dorment leur grand sommeil sous ses froides dalles, allaient s’éveiller pour un moment et se mêler à la vie des vivants ! Mais la cloche va s’éteignant, elle vibre doucement, comme le faible bruissement d’une envolée d’âmes, puis tout se tait. Une autre cloche sonne le quart ; celles des églises de la ville répondent, l’une après l’autre, et leur son se perd lentement au loin dans la nuit silencieuse et je reste longtemps encore à