Page:Nerval - Élégies nationales et Satires politiques, 1827.djvu/100

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DENTSCOURT.

Arrête !
Chapeau bas, mon cadet, devant ton frère aîné !
Tu vois de quels honneurs je marche environné.


LE CADET.

Il est vrai : quel éclat ! quelle magnificence !
Jusqu’où d’un cuisinier peut aller la puissance !
Mon frère, est-ce bien vous que je vis autrefois,
Maigre subordonné d’un cuisinier bourgeois,
Récurer les chaudrons et laver les assiettes ?…
Les temps sont bien changés !


DENTSCOURT.

Ignorant que vous êtes !
Dans l’état où jadis le sort m’avait jeté,
Un cuistre comme vous serait toujours resté ;
Moi, j’en ai su bientôt laver l’ignominie,
Il n’est point d’état vil pour l’homme de génie ;
Afin de s’élever, il faut ramper, dit-on :
On devient cuisinier, mais on naît marmiton.
Long-temps je végétai dans cette classe obscure,
Où, comme en un creuset, me jeta la nature ;
Mais un feu, plus ardent que celui des fourneaux,