Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avez tout pouvoir sur moi et ma passion elle-même n’ose, en votre présence, s’exprimer que faiblement. Je vous ai raconté mes angoisses avec le sourire sur les lèvres, de peur de vous effrayer ; je vous ai dit avec calme des choses dont vous n’avez pas frémi et qui me tenaient tellement au cœur qu’il me semblait que j’en arrachais des fibres en vous parlant. Il semblait que je fisse pour ainsi dire l’analyse et la critique de mes émotions les plus chères, il semblait que je parlais d’un autre et que je disais : « Voyez ce malheureux, voyez ce rêveur, qui vous aime si follement ! »

Je vous jure que vous ne risquez rien de plus à m’écouter : votre regard est ce qu’il y a pour moi de plus doux et de plus terrible. Ce n’est que loin de vous que je suis violent et que je me livre aux idées les plus extrêmes. Madame, vous m’avez dit qu’il fallait trouver le chemin de votre cœur… Eh bien, je suis trop ému pour chercher, pour trouver… Ayez pitié de moi, guidez-moi ! Je ne sais ; il y a des obstacles que je touche sans les voir, des ennemis que j’aurais besoin de connaître. Il y a quelque chose, ces jours-ci, qui vous a changée à mon égard… Éclairez-moi dans ces détours, où je me heurte à chaque pas. M’avez-vous cru injuste, intolérant, capable de troubler votre repos par des folies ? Hélas ! vous le voyez, je raisonne