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CHAPITRE II

Je ne puis dépeindre l’abattement où me jetèrent ces idées. — Je comprends, me dis-je, j’ai préféré la créature au créateur ; j’ai déifié mon amour et j’ai adoré, selon les rites païens, celle dont le dernier soupir a été consacré au Christ. Mais si cette religion dit vrai, Dieu peut me pardonner encore. Il peut me la rendre si je m’humilie devant lui ; peut-être son esprit reviendra-t-il en moi ! — J’errais dans les rues, au hasard, plein de cette pensée. Un convoi croisa ma marche ; il se dirigeait vers le cimetière où elle avait été ensevelie ; j’eus l’idée de m’y rendre en me joignant au cortège. — J’ignore, me disais-je, quel est ce mort que l’on conduit à la fosse ; mais je sais maintenant que les morts nous voient et nous entendent ; — peut-être celui-ci sera-t-il content de se voir suivi d’un frère de douleurs, plus triste qu’aucun de ceux qui l’accompagnent. Cette idée me fit verser des larmes, et sans doute on crut que j’étais un des meilleurs amis du défunt. Ô larmes bénies ! depuis longtemps