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JEMMY


I

COMMENT JACQUES TOFFEL ET JEMMY O’DOUGHERTY
TIRÈRENT À LA FOIS DEUX ÉPIS ROUGES DE MAÏS

À moins de cent milles de distance du confluent de l’Alléghany et du Monongehala, est situé un vallon délicieux, ou ce qu’on appelle dans la langue du pays un bottom, véritable paradis borné de tous côtés par des montagnes et par le cours de l’Ohio, que les Français ont surnommé Belle Rivière. Le versant et la cime des hauteurs qui s’étagent doucement vers l’horizon sont revêtus d’une riche végétation de sycomores centenaires, d’aunes et d’acacias, tous unis par le tissu de la vigne sauvage, et sous lesquels on respire une douce fraîcheur. Sur le premier plan, les deux rivières réunies dans l’Ohio roulent paisiblement leurs eaux jumelles, offrant çà et là une barque qui glisse sur les eaux tranquilles, ou parfois quelque bateau à vapeur, volant comme une flèche, qui fait surgir des bandes effarouchées de canards et d’oies sauvages établis sous l’ombre des sycomores et des saules pleureurs. Un seul sentier conduit à la partie supérieure du canton, à ce qu’on appelle le haut pays, où, depuis soixante ans, des Anglais, des Irlandais, des Allemands, et autres races européennes, se sont établis, alliés et fondus ensemble complètement. Ce n’est pas à dire pourtant que cette grande famille républi-