Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/177

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à celle du curé. Tomahawk accédait à tout tranquillement ; mais lorsqu’il vit le curé répandre de l’eau sur son fils, la patience lui échappa, il entra dans une sorte de fureur, et appela mistress Tomahawk sorcière, mauvais génie, médecin (terme très-fort chez les Peaux-Rouges). Jemmy, sans perdre une parole, fronça les sourcils, releva son nez, et le jeune Tomahawk fut baptisé comme d’autres enfants chrétiens.

Le voyageur que son chemin conduira dans la direction du nord, à travers la bruyère située entre Columbus et Dayton, remarquera, au-dessous et tout près des sources du Miami, une grande habitation, construite en madriers, flanquée de granges et d’écuries, environnée de superbes champs de maïs et de prairies, sur lesquelles paissent de magnifiques vaches, des chevaux et des poulains, sans compter les vergers remplis d’arbres fruitiers. Autour de la maison, on voit folâtrer une demi-douzaine de jeunes garçons et de jeunes filles d’un teint rouge clair, et vêtus comme s’ils sortaient du magasin de Stubls, à Philadelphie. Le dimanche, ils lisent la Bible ou sellent leurs chevaux pour aller accompagner mistress Tomahawk à l’église ; ils lisent et expliquent les gazettes au chef de la tribu, qui s’accommode parfaitement de sa nouvelle existence, et se demande avec orgueil s’il fera de ses fils aînés des docteurs ou des avocats. Deux fois l’année, mistress Tomahawk se rend à Cincinnati sur une voiture à six chevaux, qui, chargée de beurre, de sucre d’érable, de farine et de fruits, forme un cortége aussi pompeux que celui d’un gouverneur. Deux de ses fils à cheval lui servent toujours d’avant-coureurs, et elle est autant devenue l’effroi de tous les inspecteurs des marchés, qu’elle s’est rendue l’oracle et la favorite de toutes les femmes… et de tous les hommes.