Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/225

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crut remarquer qu’on s’était éloigné du carreau pour n’être pas aperçu de lui.

« Les guichets s’ouvrirent sans difficulté. Un capitaine invalide, qui n’avait pas assisté au souper de la veille, commandait l’avant-poste. Desroches prit une lanterne et se mit à guider de salle en salle son compagnon silencieux.

« Après une visite de quelques minutes sur différents points où l’attention de Wilhelm ne trouva guère à se fixer :

« — Montrez-moi donc les souterrains, dit-il à son beau-frère.

« — Avec plaisir, mais ce sera, je vous jure, une promenade peu agréable ; il règne là-dessous une grande humidité. Nous avons les poudres sous l’aile gauche, et, là, on ne saurait pénétrer sans ordre supérieur. À droite sont les conduits d’eau réservés et les salpêtres bruts ; au milieu, les contre-mines et les galeries… Vous savez ce que c’est qu’une voûte ?

« — N’importe, je suis curieux de visiter des lieux ou se sont passés tant d’événements sinistres… où même vous avez couru des dangers, à ce qu’on m’a dit.

« — Il ne me fera pas grâce d’un caveau, pensa Desroches. — Suivez-moi, frère, dans cette galerie qui mène à la poterne ferrée.

« La lanterne jetait une triste lueur aux murailles moisies, et tremblait en se reflétant sur quelques lames de sabre et quelques canons de fusil rongés par la rouille.

« — Qu’est-ce que ces armes ? demanda Wilhelm.

« — Les dépouilles des Prussiens tués à la dernière attaque du fort, et dont mes camarades ont réuni les armes en trophée.

« — Il est donc mort plusieurs Prussiens ici ?

« — Il en est mort beaucoup dans ce rond-point.

« — N’y tuâtes-vous pas un sergent, vieillard de haute taille, à moustaches rousses ?

« — Sans doute ; ne vous en ai-je pas conté l’histoire ?

« — Non, pas vous ; mais, hier, à table, on m’a parlé de cet exploit… que votre modestie nous avait caché.