Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/257

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— C’est un charme que vous demandez, ajouta-t-il, un charme magique pour vaincre votre adversaire à coup sûr ; n’est-ce pas cela qu’il vous faut ?

— Oui-da, si cela se peut.

— Bien que tout le monde se mêle d’en composer, vous n’en trouverez nulle part d’aussi assurés que les miens ; encore ne sont-ils pas, comme d’aucuns, formés par art diabolique ; mais ils résultent d’une science approfondie de la blanche magie, et ne peuvent, en aucune façon, compromettre le salut de l’âme.

— Bon cela, dit Eustache, autrement je me garderais d’en user. Mais combien coûte votre œuvre magique ? car encore faut-il que je sache si je la pourrai payer.

— Songez que c’est la vie que vous achetez là, et la gloire encore par-dessus. Ce point convenu, pensez-vous que, pour ces deux choses excellentes, on puisse exiger moins que cent écus ?

— Cent diables pour t’emporter ! grommela Eustache, dont la figure s’obscurcit ; c’est plus que je ne possède !… Et que me sera la vie sans pain et la gloire sans habits ? Encore peut-être est-ce là une fausse promesse de charlatan dont on leurre les personnes crédules.

— Vous ne payerez qu’après.

— C’est quelque chose… Enfin, quel gage en voulez-vous ?

— Votre main seulement.

— Eh bien donc… Mais je suis un grand fat d’écouter vos sornettes ! Ne m’avez-vous pas prédit que je finirais par la hart ?

— Sans doute, et je ne m’en dédis point.

— Or donc, si cela est, qu’ai-je donc à redouter de ce duel ?

— Rien, sinon quelques estocades et estafilades, pour ouvrir à votre âme les portes plus grandes… Après cela, vous serez ramassé et hissé néanmoins à la demi-croix, haut et court, mort ou vif, comme l’ordonnance le porte ; et ainsi votre destinée se verra accomplie. Comprenez-vous cela ?

Le drapier comprit tellement, qu’il s’empressa d’offrir sa