PETITS CHÂTEAUX DE BOHÈME
Mon ami, vous me demandez si je pourrais retrouver quelques-uns de mes anciens vers, et vous vous inquiétez même d’apprendre comment j’ai été poëte, longtemps avant de devenir un humble prosateur. — Ne le savez-vous donc pas, vous qui avez écrit ces vers :
Ornons le vieux bahut de vieilles porcelaines
Et faisons refleurir roses et marjolaines.
Qu’un rideau de lampas embrasse encor ces lits
Où nos jeunes amours se sont ensevelis.
Appendons au beau jour le miroir de Venise :
Ne te semble-t-il pas y voir la Cydalise
Respirant une fleur qu’elle avait à la main
Et pressentant déjà le triste lendemain ?
Je vous envoie les trois âges du poëte ; il n’y a plus en moi qu’un prosateur obstiné. J’ai fait les premiers vers par enthousiasme de jeunesse, les seconds par amour, les derniers par désespoir. La Muse est entrée dans mon cœur comme une déesse aux paroles dorées ; elle s’en est échappée comme une pythie en jetant des cris de douleur. Seulement, ses derniers accents se sont adoucis à mesure qu’elle s’éloignait. Elle s’est détour-