Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/317

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de plus rebattu, par exemple, que cette espèce de syllogisme sur lequel est fondée l’odelette de Ronsard :


 
Mignonne, allons voir si la rose…


Eh bien, la mise en œuvre en fait un des morceaux les plus frais et les plus gracieux de notre poésie légère. Celle de Belleau, intitulée Avril, toute composée, au reste, d’idées connues, n’en ravit pas moins quiconque a de la poésie dans le cœur. Qui pourrait dire en combien de façons est retournée dans beaucoup d’autres pièces l’éternelle comparaison des fleurs et des amours qui ne durent qu’un printemps ; et tant d’autres lieux communs que toutes les poésies fugitives nous offrent encore aujourd’hui ? Eh bien, nous autres Français, qui attachons toujours moins de prix aux choses qu’à la manière dont elles sont dites, nous nous en laissons charmer, ainsi que d’un accord mille fois entendu, si l’instrument qui le répète est mélodieux.

Voilà pour la plus grande partie de l’école de Ronsard ; la part du maître doit être plus vaste : toutes ses pensées à lui ne viennent pas de l’antiquité ; tout ne se borne pas dans ses écrits à la grâce et à la naïveté de l’expression : on taillerait aisément chez lui plusieurs poëtes fort remarquables et fort distincts, et peut-être suffirait-il pour cela d’attribuer à chacun d’eux quelques années successives de sa vie. Le poëte pindarique se présente d’abord : c’est au style de celui-là qu’ont pu s’adresser avec le plus de justice les reproches d’obscurité, d’hellénisme, de latinisme et d’enflure qui se sont perpétués sans examen jusqu’à nous de notice en notice ; l’étude des autres poëtes du temps aurait cependant prouvé que ce style existait avant lui : cette fureur de faire des mots d’après les anciens a été attaquée par Rabelais, bien avant l’apparition de Ronsard et de ses amis ; au total, il s’en trouve peu chez eux qui ne fussent en usage déjà. Leur principale affaire était l’introduction des formes classiques, et, bien qu’ils aient aussi recommandé celle des mots, il ne paraît pas qu’ils s’en soient