Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/318

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occupés beaucoup, et qu’ils aient même employé les premiers ces doubles mots qu’on a représentés comme si fréquents dans leur style.

Voici venir maintenant le poëte amoureux et anacréontique : à lui s’adressent les observations faites plus haut, et c’est celui-là qui a le plus fait école. Vers les derniers temps, il tourne à l’élégie, et là seulement peu de ses imitateurs ont pu l’atteindre, à cause de la supériorité avec laquelle il y manie l’alexandrin, employé fort peu avant lui, et qu’il a immensément perfectionné.

Ceci nous conduit à la dernière époque du talent de Ronsard, et, ce me semble, à la plus brillante, bien que la moins célébrée. Ses Discours contiennent en germe l’épître et la satire régulière, et, mieux que tout cela, une perfection dé style qui étonne plus qu’on ne peut dire. Mais aussi combien peu de poëtes l’ont immédiatement suivi dans cette région supérieure ! Régnier seulement s’y présente longtemps après, et on ne se doute guère de tout ce qu’il doit à celui qu’il avouait hautement pour son maître.

Dans les discours surtout se déploie cet alexandrin fort et bien rempli dont Corneille eut depuis le secret, et qui fait contraster son style avec celui de Racine d’une manière si remarquable : il est singulier qu’un étranger ; M. Schlegel ait fait le premier cette observation : « Je regarde comme incontestable, dit-il, que le grand Corneille appartienne encore à certains égards, pour la langue surtout, à cette ancienne école de Ronsard, ou du moins la rappelle souvent. » On se convaincra bien aisément de cette vérité en lisant les discours de Ronsard, et surtout celui des Misères du temps.

Depuis peu d’années, quelques, portes, et Victor Hugo surtout, paraissent avoir étudié cette versification énergique et brillante de Ronsard, dégoûtés qu’ils étaient de l’autre : j’entends la versification racinienne, si belle à son commencement, et que depuis on a tant usée et aplatie à force de la limer et de la polir. Elle n’était point usée, au contraire, celle de Ron-