Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/340

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Il n’existe plus aujourd’hui que deux carrières habitables du côté de Clignancourt. Mais tout cela est rempli de travailleurs dont la moitié dort pour pouvoir plus tard relayer l’autre. C’est ainsi que la couleur se perd ! Un voleur sait toujours où coucher : on n’arrêtait, en général, dans les carrières, que d’honnêtes vagabonds qui n’osaient pas demander asile au poste, ou des ivrognes descendus des buttes, qui ne pouvaient se traîner plus loin.

Il y a quelquefois, du côté de Clichy, d’énormes tuyaux de gaz préparés pour servir plus tard, et qu’on laisse en dehors parce qu’ils défient toute tentative d’enlèvement. Ce fut le dernier refuge des vagabonds, après la fermeture des grandes carrières. On finit par les déloger ; ils sortaient des tuyaux par séries de cinq ou six. Il suffisait d’attaquer l’un des bouts avec la crosse d’un fusil.

Un commissaire demandait paternellement à l’un d’eux depuis combien de temps il habitait ce gîte.

— Depuis un terme.

— Et cela ne vous paraissait pas trop dur ?

— Pas trop… Et même, vous ne croiriez pas, monsieur le commissaire, le matin, j’étais paresseux au lit.

J’emprunte à mon ami ces détails sur les nuits de Montmartre. Mais il est bon de songer que, ne pouvant partir, je trouve inutile de rentrer chez moi en costume de voyage. Je serais obligé d’expliquer pourquoi j’ai manqué deux fois les omnibus. — Le premier départ du chemin de fer de Strasbourg n’est qu’à sept heures du matin ; que faire jusque-là ?


IV

CAUSERIE

— Puisque nous sommes anuités, dit mon ami, si tu n’as pas sommeil, nous irons souper quelque part. La Maison d’or, c’est bien mal composé : des lorettes, des quarts d’agent