Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/377

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— À la prison.

— Diable ! mais je crains de ne pas être bien couché.

— C’est votre affaire.

— Et si je payais un ou deux gendarmes pour me garder à l’hôtel ?…

— Ce n’est pas l’usage.

— Cela se faisait au xviiie siècle.

— Plus aujourd’hui.

Je suivis le gendarme assez mélancoliquement.

La prison de Crespy est ancienne. Je pense même que le caveau dans lequel on m’a introduit date du temps des croisades ; il a été soigneusement recrépi avec du béton romain.

J’ai été fâché de ce luxe ; j’aurais aimé à élever des rats ou à apprivoiser des araignées.

— Est-ce que c’est humide ? dis-je au geôlier.

— Très-sec, au contraire. Aucun de ces messieurs ne s’en est plaint depuis les restaurations. Ma femme va vous faire un lit.

— Pardon, je suis parisien : je le voudrais très-doux.

— On vous mettra deux lits de plume.

— Est-ce que je ne pourrais pas finir de souper ? Le gendarme m’a interrompu après le potage.

— Nous n’avons rien. Mais, demain, j’irai vous chercher ce que vous voudrez ; maintenant, tout le monde est couché à Crespy.

— À huit heures et demie !

— Il en est neuf

La femme du geôlier avait établi un lit de sangle dans le caveau, comprenant sans doute que je payerai bien la pistole. Outre les lits de plume, il y avait un édredon. J’étais dans les plumes de tous côtés.