Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/379

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J’essayai de répondre : j’invoquai Lucien, Rabelais, Érasme et autres fantaisistes classiques. Je sentis alors que je devenais prétentieux.

Alors, je m’écriai en pleurant :

Confiteor ! plangior ! juro !… — Je jure de renoncer à ces œuvres maudites par la Sorbonne et par l’Institut : je n’écrirai plus que de l’histoire, de la philosophie, de la philologie et de la statistique… On semble en douter ?… Eh bien, je ferai des romans vertueux et champêtres, je viserai au prix de poésie, de morale ; je ferai des livres contre l’esclavage et pour les enfants, des poëmes didactiques… des tragédies ! — Des tragédies !… Je vais même en réciter une que j’ai écrite en seconde, et dont le souvenir me revient…

Les fantômes disparurent en jetant des cris plaintifs.


XXVI

MORALITÉ

Nuit profonde ! où suis-je ? Au cachot.

Imprudent ! voilà pourtant où t’a conduit la lecture de l’article anglais intitulé la Clef de la rue… Tâche maintenant de découvrir la clef des champs !

La serrure a grincé, les barres ont résonné. Le geôlier m’a demandé si j’avais bien dormi :

— Très-bien ! très-bien !

Il faut être poli.

— Comment sort-on d’ici ?

— On écrira à Paris, et, si les renseignements sont favorables, au bout de trois ou quatre jours…

— Est-ce que je pourrais causer avec un gendarme ?

— Le vôtre viendra tout à l’heure.

Le gendarme, quand il entra, me parut un dieu. Il me dit :

— Vous avez de la chance.